Un film original de Sylvestre Nonique-Desvergnes sur la scierie mobile Faite et Racines ici : « La maîtrise de l’Alien ». Cette vidéo doit son nom aux pinces de chargement qui ont un air de famille avec le film de Ridley Scott (1979).
Un territoire forestier
La Corrèze a cela de particulier qu’elle possède encore un patrimoine rare, riche et varié : c’est un pays de cours d’eau, de prairies, de hameaux, de villages, … et de forêts. Si nous apprécions ce territoire dans lequel nous vivons, c’est pour le cadre de vie privilégié, la grande diversité paysagère, architecturale et naturelle qu’il nous offre.
Le choix industriel…
Fin d’une scierie artisanale
Hélas, le paysage forestier connaît un changement radical. Destruction des haies, massacre des arbres de bords de routes, éradication des forêts de feuillus, coupes rases des plantations résineuses, … Les espaces forestiers se transforment en de vastes champs à produire de la matière bois. La recherche immédiate du profit sert de fil directeur.
Nous, habitants et habitantes, sommes exclus des processus de décision qui façonnent le territoire. Nous sommes priés d’adapter nos modes de vie à la vision de l’industrie.
Nous ne souhaitons pas rester passifs en regardant disparaître les forêts et tous les artisans qui vivent de ses ressources à petite échelle. Nous ne voulons pas nous résigner à perdre une fois encore des connaissances et des savoir-faire traditionnels, nécessaires à une gestion durable des forêts et au travail artisanal du bois.
Courant 2019 nous assistons à la fermeture de la dernière scierie artisanale à taille humaine dans notre secteur. C’est encore un maillon de la filière artisanale du bois qui disparaît. Pour couronner le tout, les autres scieries artisanales du sud du département n’ont pas de repreneur et risquent de ne pas faire long feu. Sans scierie artisanale, la filière courte entre la forêt et le consommateur est rompue. Image ci-contre: fin d’une scierie artisanale Forgès
Le propriétaire forestier peine à trouver des solutions pour entretenir sa forêt, sortir un peu de bois sans passer par les cases du circuits industriel : des logiques intensives des grosses coopératives qui conduisent la plupart du temps à la « coupe rase » et compliquent de ce fait le choix d’une gestion forestière douce. Le particulier quant à lui rencontre des difficultés à trouver des offres en bois de qualité, dont il peut connaître la provenance.
Une scierie mobile associative
Parmi les objectifs de l’association Faite et Racines, l’un des grands axes qui participe à la préservation de nos bois consiste à « soutenir et faire vivre une filière éthique, locale et artisanale de la forêt ».
Il existe encore quelques professionel-le-s consciencieux autour de la filière bois dans notre région. Mais leur activité artisanale s’essouffle ou est mise à rude épreuve par la prédominance des groupes industriels qui bien souvent ont la main mise sur l’activité et sur notre consommation (lire ici l’article de Reporterre sur le sujet).
Aussi, suite à la fermeture de la petite scierie de Forgès, il nous est apparu nécessaire de recréer une activité de sciage dans notre secteur.
Nous avons fait le choix d’une scierie mobile qui permet d’aller scier à domicile dans un périmètre géographique élargi. Nous avons eu l’opportunité de racheter une scierie mobile d’occasion de très bonne qualité à un professionnel disposé à nous accompagner dans sa mise en route.
La scie mobile Faîte et Racines
Il s’agit d’une remorque équipée de rails et d’un chariot mobile. Sur le chariot, il y a deux volants qui font tourner un ruban horizontal. Elle permet de débiter les grumes de 7m de longueur et 1m de diamètre pour les transformer en planches, poutres, ou tout type de pièces. Des bras hydrauliques permettent le chargement des grumes sur le banc de scie. L’outil fonctionne grâce à un moteur électrique alimenté par un groupe électrogène monté lui aussi sur une autre remorque.
Début Juin 2020, Faite et Racines saute le pas et achète cette scierie mobile. L’achat a été financé pour un tiers sur les fonds propres de l’association, pour un tiers par un appel à dons et le dernier tiers par le prêt d’un membre que nous remboursons peu à peu.
L’été 2020 a vu naître un petit groupe de membres bénévoles prêts à s’investir pour se former autour de l’outil. Des petits chantiers expérimentaux ont poussé chez les uns et les autres pour permettre aux scieurs de l’association d’appréhender la machine, aidés par son ancien propriétaire qui se rendait disponible pour transmettre son savoir-faire lors de courtes sessions.
Peu à peu, l’équipe a acquis l’expérience et l’assurance nécessaires, tant pour la conduite que pour la maintenance de l’engin, afin de proposer des prestations de sciage aux particuliers. C’est en octobre 2020 qu’aura lieu le grand lancement.
Depuis, elle en a fait du chemin cette scierie sur les routes de Corrèze, du Cantal et du Lot ! Contrairement à ce que l’on pouvait nous annoncer, la demande existe. Aujourd’hui, malgré l’équivalent d’un presque temps plein partagé par les 2 principaux scieurs qui conduisent l’activité, l’agenda est rempli et il faut être patient-e pour nous voir arriver.
La confiance des particuliers ayant loué les services de la scierie conjuguée au travail bénévole du petit groupe Faîte et Racines investi dans l’activité associative de sciage, auront permis de rembourser une grande partie du matériel en un an et demi.
L’argent des prestations de sciage reversé à l’association permet à celle-ci de poursuivre ses achats de foncier forestier, de s’équiper (un véhicule a été acheté à l’automne 2021 pour permettre le déplacement du matériel et remplacer celui qui nous avait été prêté depuis son lancement), de louer les services de prestataires consciencieux (forestiers / naturalistes dans les forêts de l’association) et d’organiser des évènements.
Pour Faîte et Racines, la création de cette activité de sciage mobile associatif, le temps et l’énergie déployés pour qu’elle existe, participent de notre idée de préservation de notre patrimoine forestier. Elle est un des moyens somme toute modeste de refuser d’abandonner le champs des usages du bois à la seule industrie prédatrice. Elle est une façon de soustraire le bien commun forestier aux logiques financières peu soucieuses d’environnement.
Faite et Racines vous souhaite une bonne lecture.